Visite à une Amie...

... si proche...

 

... et lointaine...

... hautaine...

... jeune...

... tendre...

... et sans âge...

... ma belle Amie, me raconterais-tu ton histoire ? ...

 Le Livre... Jadis, au petit matin de mon enfance, à la première aube de ma vie, sa douce lumière éclairait l'horizon.

Il reposait glorieux sur le bureau de mon père qui, plongé en lui, frottait en silence, patiemment, d'un doigt humécté de salive le dos des feuillets jusqu'à ce que le papier aveugle s'embrumât, se brouillât, réveillât le troublant pressentiment.

Soudain, le papier tombait en miettes, dévoilant un bord ocellé, et mon regard défaillant glissait dans le monde vierge des couleurs divines, dans l'humidité merveilleuse de couleurs limpides.

 Ô écailles brusquement tombées des yeux, ô invasion de clarté, ô doux printemps, ô père...

Parfois mon père se détachait du Livre et s'éloignait. 

Je restais seul, alors le vent traversait les pages et les images se levaient.

Et quand je le feuilletais, un frisson parcourait les colonnes du texte, laissant s'échapper d'entre les lettres des vols d'hirondelles et d'alouettes.

Une page après l'autre s'envolait ainsi, s'éparpillant, se fondant doucement dans le paysage qu'elles imprégnaient de couleurs.

Parfois le Livre dormait et le vent soufflait sur lui doucement comme sur une rose à cent pétales,

ouvrant la corolle,

ouvrant une à une les paupières,

écartant un à un les pétales de velours,

aveugles et endormis,

qui dans leur noyau cachaient la graine d'azur,

la moelle chatoyante,

 le nid piaillant de colibris.

( ... )

Bruno Schulz, Le Livre

(traduction : Thérèse Douchy)

*

Le texte en bleu est le début de la nouvelle Le Livre, extraite du recueil 

Le sanatorium au croque-mort (Sanatorium pod Klepsydra) Denoël, 1974

*

photographies :

Dourvac'h

Cascade, commune d'Alzen (Ariège), fin d'après-midi, 5 avril 2011

Comments

[Nicky]

Hou là là, tu ne vas pas bien, toi ! Pas de nouveau post, depuis le 7, juste ton cri de souffrance, coup de gueule tout à fait justifié le 13. Tout est excuse pour laisser exploser haine et violence, cher ami "Fée", comme toi je me révolte de voir, entendre, constater, au quotidien toute cette violence gratuite, cependant, il faut se protéger car nous ne sommes pas responsables, mais notre sensibilité est telle que nous risquons de sombrer à force. Je te souhaite un beau dimanche ensoleillé, t'embrasse et t'envoie mon amitié.
Dominique

[acelita]

Hey ! Je suis tout à fait d'accord avec Barbara, ce texte tu pourrais l'avoir écrit !!! Et ce talent pour la photographie ! D'ailleurs, j'aime beaucoup la derniere photo, cet arbre parcheminé, qui lit peut etre en voix off, la nouvelle de Bruno Schulz !
Je vais à mon tour ces prochains jours, me plonger dans la photographie et j'espere faire aussi bien que toi ( hmm ! pas gagné ça ! )
Mille bises à toi ....

[Kaïkan]

Je ressors éblouie de ce texte et de cette balade,elles me plongent en un temps autre, lointain, proche et d'immensité, réveille je ne sais pourquoi une nostalgie d'antan ... Je vais plonger en mon jardinet et y découvrir l'immensité des territoires de gnomes, tu m'en a donné l'envie, la miniature des herbes en évanouissement de frontières ;-))

[Maria-D]

"Gardons la tête froide mais n'ayons pas peur, surtout ne laissons rien passer, rien...

(...)

Ne haïr personne mais se méfier (un minimum) de chacun, y compris de soi-même...

(...)


Soyons gentils, oui... sauf avec "ça" "

(sauf avec la Bête)


J'adhère à cette lucidité, à cette vérité... à cette lutte nécessaire, aujourd'hui vitale pour ne point sombrer dans la haine et le mensonge qui guettent l'homme (ou la femme) aveugle et sourd, égocentrique et égoïste , n'aimant personne si non lui-même,,,

merci Dourvac'h pour cette humeur du jour... j'adhère, j'adhère.

amitié.

[colette]

La douceur des verts printaniers et des moutons couchés el la noirceur de certains humains...no comment !

Bises et amitié inaltérée