Le cinéma révélé de Katell Quillévéré
Un poison violent (2010)
Déjà, histoire si peu banale...
... aux cadrages parfaits, aux lumières poétiques...
... au ton perpétuellement juste.
Kroaz-hent délicat de ses quatorze ans...
... entre prégnante religiosité catholique (familiale, bretonne) et bien naturel éveil des sens...
Soif d'absolu, de toute façon...
Force des silences et des non-dits : peut-être le plus magnifique dans l'oeuvre.
Un poison violent : est-ce l'existence ? le plus pur des amours ?
Un scénario original (signé Katell Quillévéré & Mariette Désert), une mise en scène inspirée...
Bravo, Katell !!
(Source photographie : Le Télégramme de Brest, 18 juillet 2010)
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Synopsis :
Anna est une adolescente de 14 ans qui passe les vacances d'été chez sa mère dans la maison familiale de son grand-père dont elle est très proche et qui vit retiré en ermite malade au dernier étage de la maison. En pleines difficultés de l'adolescence, aggravées par la séparation de ses parents, elle vit une crise mystique difficile : allant aux enterrements, hésitant pour sa confirmation religieuse, questionnant un prêtre qui remplace son père absent. Son corps de jeune femme lui attire les regards de ses proches, soit par désir timide (un petit ami), soit par jalousie (sa mère, qui vit elle-même une difficile crise de la quarantaine), et l'agite sur ses sentiments et désirs.
Prix Jean-Vigo 2010
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(Article en ligne : "Le Télégramme", 18 juillet 2010 -- pages "BREST")
Les pulsions sacrées de Katell Quillévéré
Katell Quillévéré était au cinéma Les Studios, vendredi soir, pour présenter «Un poison violent».
Les Studios ont fait salle comble, vendredi soir, lors de l'avant-première d'«Un poison violent» de Katell Quillévéré.
Rencontre avec une jeune réalisatrice qui vient de remporter le prix Jean-Vigo 2010 pour son premier long-métrage.
-- Pourquoi avoir choisi pour titre Un poison violent ?
" Déjà parce qu'il se réfère à la chanson de Gainsbourg [« Un poison violent, c'est ça l'amour », NDLR], qui désigne, sous cette formule, le sentiment amoureux. Dans mon film, je dirais plutôt que le poison violent, c'est la tension contradictoire qui habite tous les personnages : des pulsions qui les font se sentir vivants, mais qui les font également souffrir. "
-- Votre film explore, entre autres, les thèmes du passage à l'adolescence, de la religion catholique et des relations humaines. Serait-ce une oeuvre autobiographique ?
" Pas exactement, mais en partie. Il ya une citation de Truffaut que j'aime beaucoup et qui évoque bien cela : « Pour un cinéaste, un film est ce qu'il a vécu, ce qu'il a envie de vivre et ce qu'il a peur de vivre ». La question du catholicisme, je l'ai traversée. Je viens d'un milieu très croyant et je l'ai moi-même été, enfant. À 13 ans, j'ai perdu la foi, comme Anna, la protagoniste. Par contre, je n'ai pas grandi en Bretagne, ni évolué dans une famille comme celle qui est présentée dans le film. "
-- Avez-vous été inspirée par des cinéastes pour le scénario ou la mise en scène ?
" On a regardé pas mal de films de Bresson et Pialat avant le tournage, mais sans s'en inspirer directement. Je dirais que les couleurs et les plans nocturnes et d'intérieur (surtout en église) me rappellent le souffle baroque d'Argento. "
-- La musique est très importante dans votre film. Pourquoi avoir choisi une reprise de Creep, de Radiohead, comme chanson phare ?
" C'est une chanson magique! Je trouve qu'elle arrive à saisir quelque chose de l'essence des années adolescentes, le côté fragile et très douloureux. J'ai découvert la reprise de la chorale Scala, qui donnait une dimension presque sacrée au texte. Les thèmes conducteurs de mon film, l'amour et la religion catholique se rejoignent à travers cette interprétation. "
-- Avez-vous un autre projet sur le feu ?
" Je suis en pleine écriture d'un nouveau film, Suzanne. Mais je ne suis pas trop pressée, j'attends déjà les critiques de ce premier long-métrage. "
© Le Télégramme
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Interprêtes :
Clara Augarde (Anna)
Lio (Jeanne, mère d'Anna)
Stefano Cassetti (François, le prêtre)
Thierry Neuvic (Paul, père d'Anna)
Youen Leboulanger Gourvil (Pierre, l'amoureux d'Anna)
Michel Galabru (Jean, grand-père paternel d'Anna)
... et les lieux du tournage : Saint-Michel-de-Brasparts, calvaire et enclos paroissial de Notre-Dame-et-Saint-Tugen-de-Brasparts, ainsi qu'une brève échappée du père François et d'Anna vers la Chapelle Saint-Hervé (Ménez-Bré), Finistère.
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Suzanne (2013)
Deux soeurs unies par la vie. Une mère absente, disparue...
Ou vingt-cinq années d'existence familiale.
Père routier, veuf qui dure : éduquant ses filles comme il peut...
Film porté par une direction d'acteurs inspirés : tous émotionnellement unis - jamais laissés "en roue libre" ! (*)
Force des regards, des silences...
La marque intimiste (et universelle) de Katell Quillévéré.
(Pas si loin du beau cinéma intimiste de James Gray, au fond !)
(*) Un prolifique scénario accidenté (à nouveau signé Katell Quillévéré & Mariette Désert), nous ayant semblé - en matière de crédibilité, et peut-être simplement par son happy ending un rien (celtiquement) entêté, s'inscrivant sereinement en "point d'orgue" de tant de malheurs - un tout petit cran en-deça du précédent... Mais de ma remarque pinailleuse (d'aborigène ariégeois mal dégrossi), je demande à l'avance pardon aux deux scénéraristes !
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Interprêtes :
Sara Forestier (Suzanne)
Adèle Haenel (Maria)
François Damiens (Nicolas, le père)
Paul Hamy (Julien, le copain de Suzanne)
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(Un portrait de la réalisatrice-scénariste, née en 1980 à Abidjan)
Eh bé ! "Seulement" deux longs métrages à l'actif de Katell Quillévéré...
Et à l'évidence, une puissance créative hors modes !
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NOTE IMPORTANTE : les deux films de Katell sont bien sûr
très facilement disponibles en DVD.