La "Langue-geste" de Ramuz...
... nous restera ...
... cet Or stylistique
... qu'on voit paisiblement...
... miroiter dans les romans-poèmes...
... et les (merveilleux) essais...
... de notre (cher) Vaudois universel, disparu en 1947...
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Beaucoup de critiques parisiens, pinailleurs et (autoproclamés) experts de la "pureté de la langue française", n'y ont d'ailleurs - immédiatement - RIEN compris :
Ramuz "écrit mal", mélange les temps, répète cycliquement certains mots... est sans doute un pittoresque lourdaud de "paysan vaudois" ou de "montagnard valaisian", un banal "régionaliste à la Giono-Pourrat" (ben, puisqu'y n'est pas d' Paris !), bref une étrangeté quelconque qui souhaite seulement "se singulariser" à Nos yeux (à Nous-Zaut's, les-Prestigieux-d'-la-Capitale dont le seul AVIS comptera et vaudra toujours quelque chose !)
Incompréhension de la plupart, avant-guerre...
Il est cependant cocasse de constater que leurs successeurs feront un tabac snobinard à l'illisible Ulysse de James Joyce (que tout le Grand Peuple des Branchouilles feindra bien sûr d'avoir lu en entier, terrorisés à la seule idée de risquer d'avoir loupé une nouveauté stylistique, même parfaitement abominable !!!)
Ramuz inventait donc silencieusement sa langue : celle qui lui convenait... Celle qu'aurait parlé spontanément le viticulteur des coteaux de Cully s'il avait eu accès à ce que nous nommons aujourd'hui et assez prétentieusement "La Culture"...
Et cette langue (fruit mûr de l'oralité, s'assumant comme "lente et lourde" et forgée durant 12 années d'"exil" parisien volontaire en se souvenant des compatriotes vaudois des bords du Lac) est un miracle qui dure !
Et cette si modeste langue (pur fruit de l'oralité, s'assumant comme "lente et lourde", patiemment forgée et perfectionnée durant 12 années d'"exil" parisien volontaire en se souvenant des compatriotes vaudois des bords du Lac) est encore un miracle qui dure et s'avance en sifflotant vers nous !
Et bien sûr, "ça" n'est pas non plus "du style paysan de commande, insincère et surjoué" (rires) ! Ramuz avait évidemment bien d'autres motivations créatives que "jouer à faire l'intéressant" aux yeux des Parisiens blasés du moment : ayant simplement le souci de créer sa propre musique de mots, son propre langage artistique (Cf. Vincent Van Gogh , Paul Gauguin, Paul Cézanne, et tant d'autres) et son éventuelle "universalité" propre ! Alors, quel mystère cristallin, tout de même, dans la survivance et la belle réfraction de cette Oeuvre, aujourd'hui !!! Il lui manquera toujours - évidemment - la prose informative, les marques rassurantes de la banalité, les poteaux indicateurs et le surlignage fluo usuel à tant d'auteurs médiocres et aujourd'hui fort lus... L'auteur paye encore et paiera toujours (post mortem, plus de 75 ans après... ) d'être parvenu en 50 années - à force d'efforts stylistiques évolutifs et d'oralité créative, enfin valorisée - à s'affranchir totalement des pauvres modes de son temps, de la fameuse "concordance des temps" et autres babioles... Résultat ? Seuls le Lyrisme, le mystère et la poésie des êtres et des tableaux brossés en ses pages (et en nous) demeurent ! Comprenons aussi par là que l'heureux Ramuz - un rien "trop" intemporel - ne sera jamais "auteur à la mode"... (Ouf !)
Perfectionnisme inouï de ce travail sur une écriture-argile parfois 3 ou 4 fois remodelée (jusqu'au moment de la parution des "oeuvres complètes" - durant la guerre 39-45).
Cependant, je dois me souvenir de ma première réaction à 18 ou 20 ans, tombant - par hasard - sur Si le soleil ne revenait pas. L'histoire de ce devin "porteur de poisse" pour son village et de cette jeune fille amoureuse "qui cherche le soleil" me fascinait, tous ces beaux personnages mystérieux et attirants... " Mais... (me répétais-je stupidement) pourquoi c'est écrit si bizarre ? ". Puis vinrent les découvertes de La grande peur dans la montagne... (les Anciens et les Modernes, la malédiction des maladies qui rôdent et que l'on va ramener des alpages, le Destin en marche... /1926), de Derborence (d'après un "faits divers" antique, une histoire d'ensevelissement et de résurrection sous une avalanche de pierriers dévalant les hauts pâturages /1934) puis Aline (histoire immortelle et touchante de petite villageoise séduite et abandonnée... /1905)... puis Aimé Pache peintre vaudois (transposition de l'épopée intimiste parisienne de l'auteur /1911)... le chef d'oeuvre existentialiste inclassable que demeurera pour nous Vie de Samuel Belet (/1913)... l'émerveillement que crée la langue du Conteur pour La guerre dans le Haut-Pays (/1915)... la pureté cristalline de L'amour du monde (l'arrivée conjointe du cinéma muet et d'un fou qui se prend pour le Christ dans une petite ville des bords du lac /1928), la pureté flaubertiennne de l'éblouissante chronique provinciale que reste Les circonstances de la vie (/1907), l'éblouissement et l'inventivité si contrastée de l'essai Paris (Notes d'un Vaudois) (/1939) ...
Bref, après le désarçonnement du premier contact "accidentel" avec son style (Cf. également la réaction de notre Amie Christiana), pouvoir en arriver 30 ans plus tard à cette non moins étrange pensée :
"Ah, tout ce temps perdu - d'avant - sans avoir connu l'Oeuvre de Ramuz !" (rime)
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Et puis ce lien à un superbe article inattendu dans le media "Ariège News" :
http://www.ariegenews.com/ariege/culture/2013/61968/grand-large-le-second-roman-de-dourvac-h.html
... qui s'ajoute à vos 15 merveilleux et si riches longs petits "papiers" déjà publiés ICI
en notre article du 10 mars 2013