Trois poèmes de Mririda N'Aït Attik...
Le village d'Ighrine, en Aît-bou-Guemez, au lever du jour - photographie : Patrick Flament
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Partageant légitimement amour et fascination
pour l'incroyable (et âpre) magie
de "leur" Terre marocaine,
nos Amis
se sont un jour coalisés
pour dénicher et (m')offrir ce merveilleux présent...
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La prière à l'approche de la nuit et l'invitation au thé - photographie : Patrick Flament
Il s'agit d'un recueil de 102 poèmes et chants de Mririda N'Aït Attik
qu'elle a fait naître dans le Haut Atlas, en sa belle langue Tachelhit
(langue berbère du "Pays des Icheulyen") :
poésie traduite par René Euloge qui connut la poétesse...
Mririda N'Aït Attik ici en 1940
(Mririda signifie "Rainette")
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Mririda N'Aït Attik,
poétesse autodidacte, a vécu dans la haute-vallée de la Tassaout
(prenant sa source à plus de 3.000 mètres, au nord de l'Ighil Mgoun - 4.076 m)
et exprimé dans ses chants poignants
toute la mélancolie de sa propre existence
et la beauté de cette haute Terre
où le Destin a choisi de faire vivre son peuple...
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Petite fille d'Aït Ali-n-Ito - photographie : Patrick Flament
Voici, choisis pour Vous, trois parmi ces cent deux joyaux,
avec sept des extraordinaires photographies de
Patrick Flament
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Mririda N'Aït Attik
Les Chants de la Tassaout,
(Edition Belvisi, BP 8044 - CASABLANCA
1986, 2ème édition : 1992 - prix : DH 350,00)
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L'oued Aït-bou-Guemez à Ighrine - photographie : Patrick Flament
C'est toujours ainsi en ce bas-monde...
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Il y en a toujours un au-dessus,
Il y en a toujours un en-dessous
Et c'est toujours ainsi en ce bas-monde
En haut, la fortune. En bas, le déshérité.
En bas le faible. En haut, la force, la force...
Et c'est toujours ainsi en ce bas-monde...
Le mortier est fait pour recevoir le pilon
Comme l'enclume est faite pour les coups de marteau.
La meule dormante subit la meule tournante.
Le mulet ploie toute sa vie sous le bât.
La terrasse est bien lourde à la poutre qui la soutient.
Et le bon plaisir du Cadi pèse lourd lui aussi...
De grâce, n'allez pas lui chanter ma chanson !
Bonnes gens, n'ai-je rien oublié ?
Et la femme qui est toujours sans défense !
La femme ! La femme qui est toujours dessous...
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Fileuse de laine de Msemrir - photographie : Patrick Flament
Mélopée de la fileuse
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Tourne, tourne mon fuseau,
Mon fuseau de bois fin et poli,
Tourne de plus en plus vite,
Si vite que tu échapperas à mes yeux...
Tourne ! tu n'auras pas à ralentir
Car mes doigts agiles te nourriront
Au gré de ton tourbillon
Et ne me demanderont pas grâce...
Tourne, tourne, mon long fuseau !
Enroule le blanc fil soyeux
La douce laine qui excelle pour la trame...
Tourne, tourne, mon petit fuseau !
Enroule le blanc fil solide,
La rude laine qui réclame la chaîne...
Blanche toison, enroule-toi
Pour le bien des gens de la maison !
Ne vous brisez pas, longs fils blancs,
Ni maintenant ni plus tard sur l'ensouple
Quand ma fille passera trois fois sous le métier...
File, file plus vite entre mes doigts,
Blanche laine qui alourdit mon fuseau !
Pour la maisonnée, y a-t-il bien plus précieux
Que la laine et le grain, que le grain et la laine ?
Ô Laine blanche, grise ou noire, que ta bénédiction soit sur nous
Avec le secours du Dieu clément et miséricordieux !
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Jeunes filles au matin, vallée de la Tassaout - photographie : Patrick Flament
Dieu n'a pas fait de place à la rose
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... Ma soeur, étrangère au pays, ne t'étonne pas,
Ne t'étonne pas de mon ignorance :
Mes yeux n'ont jamais vu ni rose ni orange...
On dit qu'il y a, en bas, au bon pays
Où gens, bêtes et plantes n'ont jamais froid.
Ma soeur étrangère venue de la plaine
Ne ris pas d'une fille de la montagne
Vêtue de laine grossière et allant pieds nus.
Dieu n'a pas fait de place à la rose,
Dieu n'a pas fait de place à l'orange
Dans nos champs et nos pâturages...
Jamais je n'ai quitté mon village et ses noyers
Je ne connais que l'arbouse et les rouges cenelles
Et l'humble touffe de basilic vert
Qui éloigne de moi les moustiques
Lorsque je m'endors sur la terrasse
Quand sont trop chaudes les nuits d'été...
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Bergère d'Imi-n-Oulaoun, sur le versant sud du Mgoun - photographie : Patrick Flament
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... et je "nous" souhaite à tous une nouvelle année
1.000 fois moins résignée que la précédente !
( Indignez-vous ! comme nous conseille Stéphane Hessel...
et puis que revive, dès 2012, TOUT le programme du C.N.R. !!! )
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( ... voir aussi notre p'tit message de
Remerciements tziganes sous cet article... )
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... et 1.001 fois Choukrâne ! à Vous,
chers Amis Thami & Tigwenn !!! ...