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Regards Féériques, Forêt de Fées & Rêves
30 mai 2010

PanGea /VI

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VI


  Pâgma était morte il n’y a pas si longtemps. Gombô avait abandonné son corps aux oiseaux puis s’était accoutumé à vieillir seul.

  La yourte tenait malgré tout debout, couchée parmi les courbes de la steppe. En fait, grand-père Gombô craignait seulement la venue de la nuit, las des gémissements de la Pagmâ de l’autre monde.

  Shou-Lîen et Xi-Jîn étaient ses préférées ; elles profitaient du voyage de l’oncle Tchou pour grimper dans son attelage, restant ensuite une journée ou deux pour aider le vieux nomade à mieux tenir son ménage.

  Gombô l’entêté avait sacrifié ses vaches mais gardé leurs deux chevaux et une trentaine de brebis avec lui – telle restait sa force de vivre aux côtés de Pâgma.
  Il préférait recevoir ses visites au grand jour lorsqu’il regardait les herbes hautes danser dans le vent après avoir longuement chevauché… Il montait sans effort à cheval, en descendait lestement. Plutôt que sentir les mains humides de sa compagne caresser longuement – chaque nuit – son visage endormi, il préférait venir parlementer avec elle dans l’air doré du jour… Les âmes sont insatiables si l’on ne va pas à leur devant.

  Pâgma avait gardé le visage de ses vingt ans ; tout le charme d’une âme qui se souvient des heures de la première rencontre et revêt pour toujours son apparence la plus heureuse…

  « Grand-Père, tu ne dors pas ? »

  Gombô ruminait de l’autre côté du poêle.

  Au moins, chez Grand-Père, il fait chaud…

  Shou-Lîen remuait dans son sommeil, ce qui n’arrivait pas dans la chambre haute des parents… Peut-être était-ce les rêves ?

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  Grand-Père disait que les rêves sont toujours différents, ici…

  Pâgma devait visiter Shou-Lîen… et même la prendre pour sa propre fille ! Il y avait une telle ressemblance entre leur mère enfant et Shou-Lîen (ce que disait Grand-Père) …

  Xi-Jîn ne trouvait pas le sommeil.

  Si je savais bien allumer la lampe à huile…

  Chân, dans le noir complet, n’aurait pas eu besoin de lumière !

  Des petits bruits dehors...
  Attention !

  « Schlpp… Schlpp… »

  Ce sont les chevaux ! Tout près de la paroi, derrière le feutre aux poils lisses et durcis. Comme si leurs nasaux pouvaient venir souffler sur son visage ; leurs grandes dents blanches s’approcher et la happer.

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  Elle a l’impression d’être dehors.
  Dehors est tellement vaste.

  « Schlpp… Schlpp… » ... fffffffffffff...

  Elle écoutait le vent qui couchait les herbes.
  Pourquoi est-ce si vaste par ici ? Alors que tout est si resserré, là d’où elle vient…

  Comme elle aimerait vivre ici ! Elle sait, pourtant…

  Grand-père va bientôt mourir. Il passe des choses sifflantes dans sa poitrine. Cela va bloquer son ventre et ses eaux d’en-bas… Les esprits ne peuvent plus le sauver.

  Gombô attend son heure : l’heure de Pâgma.
  Tous deux seront réunis à nouveau dans le campement désert.

  Impossible de dormir.
  Des coups de vent.
  On sent la présence des monts, par derrière.

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  Un jour, Grand-père a parlé de l’endroit d’où nous sommes venus… ce nombril de Notre Terre…

  Tous : hommes, femmes, enfants, vieillards, partis en longues chaînes à partir de là… Gombô ne sait pas lui-même si ça s’est passé comme ça, ni où est l’endroit…

  « Au centre du monde d’où l’on voit… »

  Gombô se demande sûrement encore pourquoi sa fille a épousé cet homme des cités sombres !

  Qui racontera encore pareilles histoires quand Grand-père ne sera plus là ?
  Il nous faudra revenir dans la steppe. Ecouter les rêves.
  Ici.

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  Xi-Jîn l’entend chuchoter : il parle à sa femme, de l’autre côté

  Plic… plic…plic… plic…

  La pluie sur les herbes… sur les nattes de paille qui recouvrent les côtés ; sur les peaux d’animaux, la pluie glisse : on n’entend rien là-haut.

  Elle essaye de faire surgir et voler ses yeux dans le noir – comme Chân !

  Rien à faire. On ne voit rien ! Restant au chaud, son dos contre le dos tiède de Shou-Lîen, on voit bien mieux dehors… En compagnie des bruits.

  Un craquement puis un autre… Des coups sourds, répétés, de plus en plus faibles… comme quelqu’un qui frappe et n’ose pas entrer !

  Trois… quatre… … … neuf ! Elle se souvient qu’il n’y a plus de porte : juste la peau de la petite génisse qu’elle aimait tant, suspendue à l’entrée…

  Un roulement de tonnerre. Puis ça craque – tellement fort !
  Comme si les rayons de roue au-dessus de leurs litières allaient se fendre et s’abattre sur eux trois…

  Il n’y a qu’un seul mur de montagne, à une journée de marche du campement : alors pourquoi ces neuf, dix, … douze échos lointains ?

  Elle se pose ces questions étranges qui lui font oublier qu’elle ne dort pas. La yourte les protège. La pluie frappe partout les peaux du toit, faisant bientôt un bruit mou de torrent.

  Bientôt, elle n’aura plus peur du tout…

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( ... à suivre... )

( pour dimanche 6 juin, matin )

*

Texte & photographies :
Dourvac'h

(de haut en bas)

(1) Fleur qui rêve, Viviès (Ariège), 26 mai 2010
(2) Falaise et pins, La Franqui (Aude), 24 mai 2010
(3) Fleurs bleues près du Cap-des-Trois-Frères, La Franqui (Aude), 24 mai 2010
(4) Ciel de printemps, Viviès (Ariège), 2009
(5)
Fleur blanche sur la falaise, La Franqui (Aude), 24 mai 2010
(6) Rose qui rêve, Viviès (Ariège), 26 mai 2010
(7) & (8)
Pins et fragments de falaise face au Grand Large, La Franqui (Aude), 24 mai 2010

*

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Merci à Vous, toutes et tous pour votre confiance...
... et,
pour vos demandes de publication :  

à Loetitia, Chris, Oursonne, Luce, MissLN, Acelita,
Crépusculine, Danièle, Souamie, Laure...

(liste actualisée ce 6 juin)

"PanGea"- le livre - sera pour Vous
... fin prêt en décembre, promis !!!

*

... et toujours à l'enseigne de
La Compagnie des Fées

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Nos précédents livres restant disponibles à ce jour :
 
Au Jardin
(23 illustrations d' ISALY, 2008, tirage 50 ex.) : 5 exemplaires
(Prix de fabrication par ex. : 13,50 euros + 2,50 euros frais d'envoi)

Fées, Rêves et Glaces
(
2008, tirage 50 ex.) : 10 exemplaires
(Prix de fabrication par ex. : 10 euros + 2,50 euros frais d'envoi)

L'été et les ombres (éd. 2009, tirage 30 ex.) : 0 exemplaire (hélàs!)
(Prix de fabrication par ex. : 11 euros + 2,50 euros frais d'envoi)

*
contact :

dourvac_h@live.fr


*

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... enfin, si le coeur vous en dit,
suivez bien notre longue échappée belle sur...

Le fleuve Littérature

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Commentaires
C
Toujours très poétique ! Bravo !
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P
Tourner les pages d'un livre et partir à sa decouverte est toujours pour moi un moment des plus agréables...... ici je retrouve ces sensations, on se sent transportée par l'histoire et ses personnages, curieuse d'en connaître la suite, avec presque l'envie qu'elle ne finisse pas...<br /> Amitié.<br /> Pasqualine...........
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Y
Tu es aussi doué pour les écrits que pour les photographies ! Je ne me lasse jamais ! Comme j'aimerais avoir écrire de cette façon (ça doit faire au moins 10000 fois que je le dis) !<br /> Je suis sous le charme ! Encoreee !!
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B
L'écriture, je le vois, passe par les mêmes combats que la peinture, les galeries ont elles aussi leur cheptel et ne prennent plus le temps de regarder ton travail, le combat pour la survie est parfois si dur, on se prive de tout pour pouvoir continuer, parfois le doute... mais l'abandon, jamais !<br /> A l'espoir de lendemains plus souriants, Je t'embrasse, ami Dourvac'h !
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L
Toujours aussi joli, ce texte... J'espère que le moral va revenir, je passe moi-aussi régulièrement par ces moments difficiles où l'on n'a plus de goût à rien...<br /> Heureusement que l'écriture de PanGea va t'obliger à rester un peu avec nous...<br /> <br /> Bonne fin de semaine, Dourvac'h !
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