PanGea /VI
VI
Pâgma
était morte il n’y a pas si longtemps. Gombô avait abandonné son corps aux
oiseaux puis s’était accoutumé à vieillir seul.
La
yourte tenait malgré tout debout, couchée parmi les courbes de la steppe. En
fait, grand-père Gombô craignait seulement la venue de la nuit, las des
gémissements de la Pagmâ de l’autre monde.
Shou-Lîen
et Xi-Jîn étaient ses préférées ; elles profitaient du voyage de l’oncle
Tchou pour grimper dans son attelage, restant ensuite une journée ou deux pour
aider le vieux nomade à mieux tenir son ménage.
Gombô
l’entêté avait sacrifié ses vaches mais gardé leurs deux chevaux et une
trentaine de brebis avec lui – telle restait sa force de vivre aux côtés
de Pâgma.
Il
préférait recevoir ses visites au grand jour lorsqu’il regardait les
herbes hautes danser dans le vent après avoir longuement chevauché… Il montait
sans effort à cheval, en descendait lestement. Plutôt que sentir les mains
humides de sa compagne caresser longuement – chaque nuit – son visage endormi,
il préférait venir parlementer avec elle dans l’air doré du jour… Les âmes sont
insatiables si l’on ne va pas à leur devant.
Pâgma
avait gardé le visage de ses vingt ans ; tout le charme d’une âme qui se
souvient des heures de la première rencontre et revêt pour toujours son
apparence la plus heureuse…
« Grand-Père, tu ne dors pas ? »
Gombô
ruminait de l’autre côté du poêle.
Au
moins, chez Grand-Père, il fait chaud…
Shou-Lîen
remuait dans son sommeil, ce qui n’arrivait pas dans la chambre haute des
parents… Peut-être était-ce les rêves ?
Grand-Père disait que les rêves sont toujours différents, ici…
Pâgma
devait visiter Shou-Lîen… et même la prendre pour sa propre fille ! Il y
avait une telle ressemblance entre leur mère enfant et Shou-Lîen (ce que disait
Grand-Père) …
Xi-Jîn
ne trouvait pas le sommeil.
Si
je savais bien allumer la lampe à huile…
Chân,
dans le noir complet, n’aurait pas eu besoin de lumière !
Des
petits bruits dehors...
Attention !
« Schlpp…
Schlpp… »
Ce
sont les chevaux ! Tout près de la paroi, derrière le feutre aux poils lisses
et durcis. Comme si leurs nasaux pouvaient venir souffler sur son visage ;
leurs grandes dents blanches s’approcher et la happer.
Elle
a l’impression d’être dehors.
Dehors
est tellement vaste.
« Schlpp…
Schlpp… » ... fffffffffffff...
Elle
écoutait le vent qui couchait les herbes.
Pourquoi
est-ce si vaste par ici ? Alors que tout est si resserré, là d’où elle
vient…
Comme
elle aimerait vivre ici ! Elle sait, pourtant…
Grand-père
va bientôt mourir. Il passe des choses sifflantes dans sa poitrine. Cela va
bloquer son ventre et ses eaux d’en-bas… Les esprits ne peuvent plus le sauver.
Gombô
attend son heure : l’heure de Pâgma.
Tous
deux seront réunis à nouveau dans le campement désert.
Impossible
de dormir.
Des
coups de vent.
On
sent la présence des monts, par derrière.
Un
jour, Grand-père a parlé de l’endroit d’où nous sommes venus… ce nombril de
Notre Terre…
Tous :
hommes, femmes, enfants, vieillards, partis en longues chaînes à partir de là…
Gombô ne sait pas lui-même si ça s’est passé comme ça, ni où est l’endroit…
« Au
centre du monde d’où l’on voit… »
Gombô
se demande sûrement encore pourquoi sa fille a épousé cet homme des
cités sombres !
Qui
racontera encore pareilles histoires quand Grand-père ne sera plus là ?
Il
nous faudra revenir dans la steppe. Ecouter les rêves.
Ici.
Xi-Jîn
l’entend chuchoter : il parle à sa femme, de l’autre côté…
Plic…
plic…plic… plic…
La
pluie sur les herbes… sur les nattes de paille qui recouvrent les côtés ;
sur les peaux d’animaux, la pluie glisse : on n’entend rien là-haut.
Elle
essaye de faire surgir et voler ses yeux dans le noir – comme Chân !
Rien
à faire. On ne voit rien ! Restant au chaud, son dos contre le dos tiède
de Shou-Lîen, on voit bien mieux dehors… En compagnie des bruits.
Un
craquement puis un autre… Des coups sourds, répétés, de plus en plus faibles…
comme quelqu’un qui frappe et n’ose pas entrer !
Trois…
quatre… … … neuf ! Elle se souvient qu’il n’y a plus de porte : juste
la peau de la petite génisse qu’elle aimait tant, suspendue à l’entrée…
Un
roulement de tonnerre. Puis ça craque – tellement fort !
Comme
si les rayons de roue au-dessus de leurs litières allaient se fendre et
s’abattre sur eux trois…
Il
n’y a qu’un seul mur de montagne, à une journée de marche du campement :
alors pourquoi ces neuf, dix, … douze échos lointains ?
Elle
se pose ces questions étranges qui lui font oublier qu’elle ne dort pas. La
yourte les protège. La pluie frappe partout les peaux du toit, faisant bientôt
un bruit mou de torrent.
Bientôt, elle n’aura plus peur du tout…
( ... à suivre... )
( pour dimanche 6 juin, matin )
*
Texte & photographies :
Dourvac'h
(de haut en bas)
(1) Fleur qui rêve, Viviès (Ariège), 26 mai 2010
(2) Falaise et pins, La Franqui (Aude), 24 mai 2010
(3) Fleurs bleues près du Cap-des-Trois-Frères, La Franqui (Aude), 24 mai 2010
(4) Ciel de printemps, Viviès (Ariège), 2009
(5) Fleur blanche sur la falaise, La Franqui (Aude), 24 mai 2010
(6) Rose qui rêve, Viviès (Ariège), 26 mai 2010
(7) & (8) Pins et fragments de falaise face au Grand Large, La Franqui (Aude), 24 mai 2010
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Merci à Vous, toutes et tous pour votre confiance...
... et, pour vos demandes de publication :
à Loetitia, Chris, Oursonne, Luce, MissLN, Acelita,
Crépusculine, Danièle, Souamie, Laure...
(liste actualisée ce 6 juin)
"PanGea"- le livre - sera pour Vous
... fin prêt en décembre, promis !!!
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... et toujours à l'enseigne de
La Compagnie des Fées
Nos précédents livres restant disponibles à ce jour :
Au Jardin
(23 illustrations d' ISALY, 2008, tirage 50 ex.) : 5 exemplaires
(Prix de fabrication par ex. : 13,50 euros + 2,50 euros frais d'envoi)
Fées, Rêves et Glaces
(2008, tirage 50 ex.) : 10 exemplaires
(Prix de fabrication par ex. : 10 euros + 2,50 euros frais d'envoi)
L'été et les ombres (éd. 2009, tirage 30 ex.) : 0 exemplaire (hélàs!)
(Prix de fabrication par ex. : 11 euros + 2,50 euros frais d'envoi)
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contact :
dourvac_h@live.fr
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... enfin, si le coeur vous en dit,
suivez bien notre longue échappée belle sur...